Entretien Express avec...Marie Perrier (Alwaid)
Bonjour Marie, merci d’avoir accepté de répondre aux
questions expresses de Femmes du Metal!
C’est
un grand plaisir ! Merci à toi, non seulement pour cet
entretien, mais aussi pour le soutien indéfectible qu’apporte
Femmes du Metal aux groupes comme le mien en les valorisant et en
leur offrant une visibilité accrue dans cette jungle cruelle qu’est
le monde du metal aujourd’hui.
1
- Peux-tu nous présenter Alwaid à la fois au travers de ses membres
mais aussi au regard des thèmes qui sont abordés dans vos chansons?
Par ailleurs, tu as sorti 2 albums avec Alwaid dont le 2e en 2017. Y
a t-il des choses en préparation pour 2020? (album, tournée?)
Alwaid est né en 2011. Je fais partie du trio fondateur avec Max
(guitare) et Robin (batterie). L’essence du groupe est issue pour
l’essentiel du mélange de nos influences respectives : le
« sympho à chant féminin » classique, ça vient plutôt
de moi, qui suis entrée dans le métal par la porte Within
Temptation / Nightwish / Epica ; le côté heavy et bien présent
des guitares, qui ne servent pas de simple renfort rythmique aux
parties orchestrales, c’est Max (son top à lui serait sans doute
Metallica / Black Sabbath / Iron Maiden) ; et enfin, il y a
notre bourrin préféré à la batterie qui ne laisse pas oublier ses
affinités avec un metal plus extrême.
Là-dessus se sont greffées au fil du temps de nouvelles choses, en
fonction des évolutions de notre line-up : nous composons sur
un mode collaboratif qui fait que chacun participe et apporte sa
pierre à l’édifice. C’est pourquoi au sein de chacun de nos
albums, on peut trouver des morceaux qui touchent à des genres et
des ambiances très différentes, du doom au power. L’unité et la
cohérence viennent alors des textes et des thèmes abordés. C’est
moi qui m’en occupe : j’ai choisi un thème par album,
chaque chanson venant ensuite l’aborder sous un angle bien
particulier, ce qui permet de refléter différentes facettes. Lacus
Somniorum parlait des différents états de conscience entre le
sommeil et l’éveil ; The Machine and the Beast, de
l’opposition (ou de la complémentarité) entre la raison et
l’instinct, l’ordre et le chaos. Je veux que chaque chanson
puisse être prise à deux niveaux : il y a l’histoire qu’elle
raconte, d’abord, mais au-delà, il y a toujours un questionnement
sur ce qui fonde notre humanité, en interrogeant en particulier la
place que nous donnons à l’imaginaire pour appréhender le monde
qui nous entoure. Bon, ça a l’air très intello, dit comme ça,
mais la priorité est donnée à l’émotion qui se dégage de la
musique ! Les paroles ne viennent qu’ensuite, et me permettent
d’exprimer et d’interpréter ce que la musique m’inspire.
Et pour répondre sur les projets à venir : on travaille depuis
plusieurs mois à l’écriture de nouveaux morceaux et oui, il y a
du neuf qui arrive pour 2020 ! Nous allons reprendre la route
des concerts dès que nous aurons les premiers singles d’un nouvel
album à venir début 2021. L’année prochaine ne sera pas vide
pour autant, bien au contraire, car nous comptons proposer pas mal
d’avant-goût, sous plusieurs formats, avant l’arrivée de
l’album à proprement parler.
2 - Quel a été ton parcours avant d’arriver dans Alwaid,
quelles ont été tes influences? Et aujourd’hui alors qu’il y a
de plus en plus de femmes dans le metal, dirais-tu que le regard des
gens change sur les groupes à chanteuse ou es-tu toujours confrontée
à des préjugés de la part de ceux qui œuvrent dans ce milieu
artistique?
J’ai découvert le metal vers mes 16-17 ans, en accrochant aux
groupes pionniers du goth et du sympho. Je chantais avant ça, mais
sans vraiment penser à « faire de la musique » en groupe
ou en public. Mes deux styles de prédilection, à l’époque,
c’était d’une part la musique celtique (qui m’a servi de
passerelle vers le metal, pas le biais d’abord des ballades, le
temps que mon oreille et mon esprit s’habituent et s’éduquent !)
et d’autre part les comédies musicales (The Phantom of the
Opera, Sweeney Todd…) pour la complémentarité qui s’y
crée entre musique orchestrale et degré d’interprétation. Là
aussi, c’est quelque chose qu’on retrouve à fond dans la musique
metal.
Les préjugés existent toujours, me semble-t-il. On sent bien
parfois qu’on n’a pas notre place dans telle ou telle
programmation parce qu’on ne fait pas assez « du vrai »
metal. Il n’y a qu’à regarder les affiches des plus gros
festivals pour se rendre compte du déséquilibre en termes de
représentation féminine. Cela étant dit, il y a des progrès.
Depuis un certain temps déjà, on a des festivals dédiés au métal
à chant féminin – et ça ne veut pas (plus) dire uniquement
« metal sympho » ! Beaucoup sont enfin conscients
qu’il existe plein de types de chants féminins et que cette
étiquette ne peut pas suffire à catégoriser un groupe. Et, ce qui
est presque mieux encore, il y a des festivals qui n’hésitent pas
à proposer des programmations éclectiques et audacieuses où le
heavy et le mélodique côtoient le black et le death. Il me semble
que c’est ça, l’idéal vers lequel on devrait tendre.
3 - La question inattendue : les thèmes abordés par Alwaid
sont très littéraires. Si tu devais prendre l’apparence d’un
héros (ou d’une héroïne) d’un roman quel serait-il et
pourquoi? D’ailleurs y a-t-il un livre ou une œuvre à nous
conseiller pour saisir l’ambiance des chansons d’Alwaid?
C’est tellement cruel de me demander de choisir ! J’adore
m’immerger dans diverses fictions, c’est d’ailleurs pourquoi
j’adore lire, mais aussi le théâtre, et surtout le jeu de rôle
(type Donjons et Dragons pour citer le plus connu, même si ce n’est
pas mon jeu préféré. Pour les connaisseurs, je recommande
Nephilim !), qui me permet d’expérimenter et d’entrer dans
la peau de toute une multitude de personnages ! La chanson
« Fractalized » parle justement de cette démultiplication
et c’est un des textes les plus intimes que j’ai écrit.
Mais bon, je suis là pour jouer le jeu, alors : je serais Don
Quichotte. Peu flatteur peut-être, par certains aspects, mais je
suis tout à fait du genre à vouloir que de bêtes moulins se
révèlent être des géants, à vouloir que la réalité suive la
logique d’une narration bien ficelée.
Quant à conseiller une seule œuvre, ce serait difficile, dans la
mesure où je fais en effet énormément de références (et si vous
les connaissez, les chansons prennent évidemment une épaisseur
supplémentaire pour vous, c’est aussi ma manière de vous
encourager à les découvrir) ! Pour donner quelques exemples
issus essentiellement du dernier album : Moby Dick pour
« The Whale », les nouvelles fantastiques de Lord Dunsany
pour « The Lord of Cities » et « Idle Riddles and
Rhymes », les récits horrifiques de Lovecraft pour « Sang
Noir » (mais aussi « Hei ! Aa
Shantah Nygh ! »), The Call
of the Wild de Jack London pour “The
Call of the Wild” (elle était facile, celle-là !), Le
Fantôme de l’Opéra et Dr
Jekyll and Mr Hyde pour “Monsters by
Gaslight”…
A la limite, si je devais mentionner une seule œuvre pour comprendre
l’esprit, ce serait quelque chose du genre de American Gods
de Neil Gaiman, dont je regarde actuellement la série qui en est
adaptée : l’histoire met admirablement en scène la
récupération des grands mythes fondateurs de nos civilisations et
la manière dont ils s’inscrivent dans notre culture aujourd’hui,
parfois oubliés et remplacés par des mythes nouveaux.
Tu as le mot de la fin pour tous les abonnés de Femmes du Metal:
Sans
grande originalité : MERCI ! C’est bête mais
important : si vous lisez ces mots, c’est que votre intérêt
va au-delà des gros groupes professionnels qui ont déjà réussi,
c’est que vous ne vous contentez pas de consommer ce dont on vous
abreuve mais que vous êtes curieux des coulisses, c’est que vous
souhaitez être complice de notre projet et de notre envie de créer
et de partager. Alors merci, parce que ce que nous faisons, certes
par passion, n’a de sens que grâce à vous.
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